STAGE JEU CORPOREL ET COMMEDIA DELL' ARTE EN TOSCANNE (Organisé par Le Foyer - Cours d'Art Dramatique)

STAGE JEU CORPOREL ET COMMEDIA DELL' ARTE EN TOSCANNE (Organisé par Le Foyer - Cours d'Art Dramatique)

En face du pouvoir de l’argent représenté par Pantalon apparaît sur scène, avec l’arrivée du Docteur, le pouvoir intellectuel. Le personnage s’affirme à la fin du XV siècle et surtout au début du XVI siècle. Goldoni précise « qu’on l’a choisi bolonais pvrcequ’il existait dans cette ville une université qui, malgré l’ignorance des temps, conservait toujours les charges et les émoluments des professeurs » Le Docteur semble né ainsi des discordes qui existaient entre les universités. Il est lui aussi masqué et vêtu de noir à la manière des hommes de science et des lettrés de Bologne.

Il porte une longue robe noire qui lui dès cend jusqu’aux talons et coiffé d’une toque noire. En 1653 son costume subit quelques transformations : porte une culotte plus courte, une large fraise, une veste et un feutre extravagant, ce qui lui conserve une allure ridicule. Il est gros et gras et à un ventre proéminent qui l’empêche de se pencher avec aisance. Sa démarche est difficile, il a peine à se mouvoir.

C’est le pendant de Pantalon dont il est tantôt l’ami, tantôt le rival, mais, alors que Pantalon s’est transformé au cours des siècles, lui a peu changé et à, en général, moins d’importance que son compère. Il est un peu plus libidineux que Pantalon, il parle un laitn de cuisine, et n’arrête pas de parler. Son savoir est plus apparent que réel, et ses grands discors lui permettent de masquer son ignorance. C’est tantôt un savant, tantôt un homme de loi, tantôt un médecin qui a un remède pour tous les maux, même si ses ordonnances sont pour le moins fantaisistes, qu’elles soient destinées à calmer le mal des dents ou à guérir les convulsions des femmes.

Ainsi, pour le patient souffrant du mal de gens, il préconise de mettre une grosse pomme dans la bouche, de serrer les dents, puis de mettre la tête dans un four brûlant : la pomme une cuite, on est guéri. quand aux femmes, il prétend qu’elles peuvent facilement être débarrassées de leurs connulsions en se soumettant aux prescriptions suivantes : « Trois soupirs d’amoureux mis en poudre ; trois bouchées de soupçon ; chercher dans la maison plusieurs bâtons préparés, donner une bonne volée, la femme est remise. »

Monsieur De Pourceaugnac ; Molière

PREMIER MÉDECIN. Comme ainsi soit qu’on ne puisse guérir une maladie, qu’on ne la connaisse parfaitement, et qu’on ne la puisse parfaitement connaître, sans en bien établir l’idée particulière et la véritable espèce, par ses signes diagnostiques et prognostiques ; vous me permettrez, Monsieur notre Ancien, d’entrer en considération de la maladie dont il s’agit, avant que de toucher à la thérapeutique et aux remèdes qu’il nous conviendra faire pour la parfaite curation d’icelle. Je dis donc, Monsieur, avec votre permission, que notre malade ici présent, est malheureusement attaqué, affecté, possédé, travaillé de cette sorte de folie que nous nommons fort bien, mélancolie hypocondriaque, espèce de folie très fâcheuse, et qui ne demande pas moins qu’un Esculape comme vous, consommé dans notre art ; vous, dis-je, qui avez blanchi, comme on dit, sous le harnois, et auquel il en a tant passé par les mains de toutes les façons. Je l’appelle mélancolie hypocondriaque, pour la distinguer des deux autres ; car le célèbre Galien établit doctement à son ordinaire trois espèces de cette maladie, que nous nommons mélancolie, ainsi appelée non seulement par les Latins, mais encore par les Grecs ; ce qui est bien à remarquer pour notre affaire : la première, qui vient du propre vice du cerveau ; la seconde, qui vient de tout le sang, fait et rendu atrabilaire ; la troisième, appelée hypocondriaque, qui est la nôtre, laquelle procède du vice de quelque partie du bas-ventre, et de la région inférieure, mais particulièrement de la rate, dont la chaleur et l’inflammation porte au cerveau de notre malade beaucoup de fuligines épaisses et crasses, dont la vapeur noire et maligne cause dépravation aux fonctions de la faculté princesse, et fait la maladie dont par notre raisonnement il est manifestement atteint et convaincu. Qu’ainsi ne soit, pour diagnostique incontestable de ce que je dis, vous n’avez qu’à considérer ce grand sérieux que vous voyez ; cette tristesse accompagnée de crainte et de défiance, signes pathognomoniques et individuels de cette maladie, si bien marquée chez le divin vieillard Hippocrate ; cette physionomie, ces yeux rouges et hagards, cette grande barbe, cette habitude du corps, menue, grêle, noire et velue, lesquels signes le dénotent très affecté de cette maladie, procédante du vice des hypocondres ; laquelle maladie par laps de temps naturalisée, envieillie, habituée, et ayant pris droit de bourgeoisie chez lui, pourrait bien dégénérer, ou en manie, ou en phthisie, ou en apoplexie, ou même en fine frénésie et fureur. Tout ceci supposé, puisqu’une maladie bien connue est à demi guérie, car ignoti nulla est curatio morbi , il ne vous sera pas difficile de convenir des remèdes que nous devons faire à Monsieur. Premièrement, pour remédier à cette pléthore obturante, et à cette cacochymie luxuriante par tout le corps, je suis d’avis qu’il soit phlébotomisé libéralement ; c’est-à-dire que les saignées soient fréquentes et plantureuses : en premier lieu de la basilique, puis de la céphalique, et même si le mal est opiniâtre, de lui ouvrir la veine du front, et que l’ouverture soit large, afin que le gros sang puisse sortir ; et en même temps, de le purger, désopiler, et évacuer par purgatifs propres et convenables ; c’est-à-dire par cholagogues, mélanogogues, et cætera ; et comme la véritable source de tout le mal est ou une humeur crasse et féculente, ou une vapeur noire et grossière qui obscurcit, infecte et salit les esprits animaux, il est à propos ensuite qu’il prenne un bain d’eau pure et nette, avec force petit-lait clair, pour purifier par l’eau la féculence de l’humeur crasse, et éclaircir par le lait clair la noirceur de cette vapeur ; mais avant toute chose, je trouve qu’il est bon de le réjouir par agréables conversations, chants et instruments de musique, à quoi il n’y a pas d’inconvénient de joindre des danseurs, afin que leurs mouvements, disposition et agilité puissent exciter et réveiller la paresse de ses esprits engourdis, qui occasionne l’épaisseur de son sang, d’où procède la maladie. Voilà les remèdes que j’imagine, auxquels pourront être ajoutés beaucoup d’autres meilleurs par Monsieur notre maître et ancien, suivant l’expérience, jugement, lumière et suffisance qu’il s’est acquise dans notre art. Dixi.